QUELQUES NOTES SUR SAINT-CARADEC ET SON ANCIEN MONASTÈRE


Par   M.L'Abbé AUDO, Recteur du Vieux -Bourg.

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Deux opinions sont en présence sur l'origine de nos paroisses. Les uns, avec M. Arthur de La Borderie, prétendent que cette origine est bien plutôt ecclésiastique que civile; les autres, au contraire, soutiennent   que la commune, est née des franchises et immunités accordées par les ducs et les seigneurs bretons à presque toutes les petites agglomémorations d'habitants.
Sans vouloir être exclusif et trancher la question, nous préférons le premier sentiment; il nous parait plus fondé.
S'il est vrai que les diocèses, pour la plupart en France et surtout en Bretagne, ont été formés d'après les circonscriptions civiles, déjà existantes, il n'est  pas moins avéré qu'un grand nombre ont eu pour berceau, le monastère de quelque religieux, ou la cellule d'un pauvre  solitaire: saint Brieuc, saint Tugdual  et saint Pol de Léon n'ont point trouvé des cités gallo-romaines comme les Clair et  les Paterne. Pour  un  grand nombre de paroisses, l'ermitage d'un cénohite, ou une chapelle élevée en son honneur fut le motif et le commencement de l'agglomération.
Avant  de lire quelques notes sur Saint-Caradec, qu'il me soit permis de jeter un regard sur la contrée où est située cette paroisse. Ce  coup-d'œil, pourra faire mieux saisir l'importance des conjectures que je viens soumettre à vos, sages appréciations.

Saint-Caradec est assis sur un coteau, près des bords de la  rivière d'Oust. Dans les XVIIe et XVIIIe siècles, on écrivait dans les actes publics «  la  ville  et bourg de Saint-Caradec »
                                                                                                                                                                             
Cette   agglomération devint chef-lieu de  canton en 1790 ; vers l'année 1800, elle perdit son prètoire, comme elle avait  déjà perdu sa cour et juridiction seigneuriale.

Aucun  monument de  l'époque celtique n'attire l'attention des archéologues dans Saint-Caradec et  les environs; ceux de l'époque gallo-romaine y sont rares.
On y retrouve cependant  des vestiges de la voie romaine qui conduisait du pays des Rhédons vers  Carhaix. 
En  quittant les paroisses de Loudéac et de  Cadélac, elle  traversait la  rivière d' Oust au gué du moulin de Beau-Saut, à deux kilomètres du  bourg au  gué du moulin de Beau-Saut, à deux  kilomètres du  bourg vers le sud, elle remontait vers  l'ouest, laissant à droite le village de Calagan et, à gauche celui de Kerdrein, et  se dirigeait vers Mûr.
A  l'ouest du  bourg sur le plateau le plus élevé et à quelques pas de cette voie,  un champ porte le nom  de Fort du Parc-ar-Land : il renfermait plusieurs traces de camp qui quelque pas de celte voie, un  champ porte le nom  de  Fort du  Parc-ar-Land : il renfermait plusieurs traces de  camp qui ont disparu sous le  soc de la charrue, ainsi que nous l'a raconté un vieillard. Ces redoutes dominaient le pays à une grande distante et  correspondaient avec d'autres enceintes placées dans Loudèac et dans Graces-Uzel.
Des monnaies romaines, de moyen module et en bronze, à l'effigie de  Néron et de "Faustine, ont été recueillies dans cette paroisse: et,chose digne de remarque, une  famille du nom de Tarquin s'est perpétuée jusqu'a nos  jours dans le village de Kerdrein. Sans appartenir à la noblesse, elle a toujours tenu son rang distingué; dans le XVIe et le XVIIe siècle, on vit, plusieurs de ses membres remplir les fonctions de Trésorier et de Fabricqueur pour le général de la paroisse. Le dernier rejeton est mort en 1851. Une  croix plantée sur le  bord de la route de Pontivy, à l'endroit où  elle coupe l'ancienne voie romaine, conserve ce nom  significatif.
Lors de l'invasion romaine, le centre de l'Armorique était couvert par d'immenses forêts, et ce pays portait le nom de Pontrocoët et plus communément Poutrecoët, pays au-delà des bois ou à travers les bois Pagustrans silvasn, Les auteurs ne s'accordent pas sur l'étendue de ce pays. Quelques-uns ont voulu le restreindre aux limites de l'ancien archidiaconé de  Porhoët, et au comté de même nom qui s'avançait par une langue de  terre jusqu'aux portes de Vannes. D'autres ont pensé qu'il embrassait tout le désert placé entre Saint-Mèen et Gaël et les environs de Carhaix, ayant pour limites, au nord, le Penthièvre, le  vieux  pays de Quintin et une partie du comté de Poher, et,  au sud, le pays des  Venètes.
La plus grande partie de cette région était du diocèse de Cornouaille, avant 1789; cette circonscription territoriale, en dehors du comté de Poher, avait pour  limites  au sud, les montagnes Noires ou Menéz-Du, et au nord, les  monts d'Arrhès. Elle comprenait à peu près tout le pays de Quintin, s'arrêtant aux sources, de l'Oust suivant le cours de cette rivière jusqu'à Saint-Gonéry, pour remonter vers l'ouest jusqu'aux portes de  Pontivy et au Blavet, et, de là suivre la rive gauche de cette dernière rivière jusqu'à Gouarec.
Cest à l'extrémité du diocèse de  Cornouaille ou Quimper, sur un petit promontoire, entre deux vallées, près de la rivière d'Oust qu'était bâti  le monastère de Saint-Caradec. C'est là que fut le  commencement  de la paroisse   de  ce nom. On ne peut mettre en doute l'existence d'un monastère placé  dans ce Iieu. Des  actes  authentiques, conservés par les Bénédictins, nous  montrent cette paroisse portant encore, à la fin  du  XIIIe  siècle, le nom de Monastère de Saint-Caradec, Monasterium-Caradoci et,  en breton, Mostoer-Caradec.
Au  premier volume des Preuves de Dom Morice, colonne 1069, nous lisons "que Olivier, dit  Bodic, donne et cède spontanèrnent à Josselin de Rohan et à ses héritiers à perpétuité la prévôté fèodée qu'il avait dans les paroisses de Mûr et, du Monastère de Caradec, in parochiis de Mûr et de Monasterio-Caradoci, avec toutes et chacune des appartenances de ladite prévôté"
C'était en 1283..

Six ans plus tard, un autre acte , daté  du  mois d'avril, le vendredi avant le dimanche des Rameaux, rappelle, que Eudon Le Febvre, Eudo Faber, et Typhaine, son  épouse, ont poursuivi devant la  cour et  juridiction de  Rohan, la vente de sept arpents de terre labourable, situés dans le fief d'Hardouin, en la  paroisse de Mostoer-Caradec; lesquels arpents avaient été saisis par Julienne, veuve de Bernard, de Kerdudaval.
Ils en devinrent  adjudicataires pour la somme de soixante-dix sous de monnaies courantes, qui avaient été hypothéqués sur cette terre, à titre de gage par Eudon Le Long  et ladite Julienne, comme  il était contenu plus amplement dans des  lettres signées et scellées par Alain de Trégarentec, alloué de la vicomté de  Rohan. Josselin de Rohan fit valoir son droit de premesse.
Plusieurs paroisses portant le nom de Saint-Caradec, peut-il y avoir doute et incertitude? Nullement. Le nom  de Kerdudaval est encore aujourd'hui celui d'un village de Saint-Caradec-sur-Oust. Comme Hémonstoir n'est éloigné que de cinq kilomètres de Saint-Caradec,on pourra  peut­ ètre objecter que cette paroisse est  elle-même le vèritable monastère, Ar Mostoer? 
S'il faut en juger par analogie, ce nom d'Hémonstoir n'infirme pas l'opinion émise en faveur de Saint-Caradec. Nous voyons, aux environs de l'ancien monastère de Moréac ou de Locminé plusieurs paroisses porter ce nom, ainsi Moustoir-ac, Moustoir Remungol,etc. ..Quelques-uns expliquent le mot Hémonstoir par ces deux mots de l'idiôme breton, Hent ar Mostoer, le chemin du Monastère. Nous croyons que ces deux paroisses n'en ont fait qu'une jusqu'au XIV'siècle; elles ont dû être divisées lors du mariage d'Eon Le Sénéchal avec Olive, dame de Carcado. Elles avaient le même seigneur haut-justicier et le même patron laique. L'église d'Hémonstoir a pour patron saint Arnoul, évêque de Metz.

Saint Caradec a-t-il jeté les fondements de cette paroisse en venant chercher un asile dans cette profonde solitude, et, en fuyant, comme tant d'autres,la fureur des Saxons, les tyrans de sa patrie? Ou bien quelques-uns de ses compatriotes ont-ils fondé ce monastère en son honneur?
Questions  difficiles, qui cependant ne nous semblent pas insoluble.
Dom Lobineau  semble insinuer la première hypothèse. Voici  ce qu'on lit dans la vie de saint Guénaël, édition infolio, page 81. Ces paroles sont remarquables: « Après ce long séjour dans les Îles, Guénaël, moine de Landévenec, et successeur de  saint Guénolé, enrichi de plusieurs reliques et d'un grand nombre de livres, revint  dans l'Armorique, suivi de cinquante religieux qui n'avaient pu se résoudre à le quitter. Ce fut, selon la légende manuscrite, dans la Cornouaille qu'il aborda et non dans l'île de Groix, comme il est porté  dans  les leçons  de l'ancien bréviaire de Léon,  et il y bâtit  trois  monastères.  Quoi  qu'il  en  soit,  il se rendit  à l'île  de Groix, où il trouva un grand nombre de solitaires  avec lesquels il voulut passer le  reste de ses jours. Allant, un jour, au monastère d'un solitaire nommé Caradoc, situé, selon toutes les apparences,  en terre ferme  il vit venir à  lui un cerf poussé par les veneurs de Guérech II, comte  du   pays de Vannes,  qualifié  roi dans  cette  histoire; l'animal vint, dit-on, se refugier sous le manteau du saint. Une  distance de seize à dix-huit lieues ne pouvait guère arrêter saint  Guénaël  dans sa visite  au monastère de  Saint-Caradec: ce  dernier était placé sur les limites du  pays de Vannes, et pour s'y  rendre le pieux  voyageur devait nécessairement traverser le territoire de  Guérech.  Albert-le-Grand relate le  même fait, mais sans parler de Caradoc et de  son  monastère.

De temps immémorial; la fête de saint Caradec a été célébrée le 16 mai. Une procession solennelle avait lieu autrefois en son honneur, et l'on y chantait des litanies composées dans le XVIe siècle et conservées jusqu'à nos jours. Le dernier manuscrit est de 1773. Parmi les diverses invocations qui lui attribuent toutes les  vertus d'un parfait religieux, on remarque celle de pasteur très-vigilant, pastor vigilantissime. Les agiographes bretons ne donnant point la vie de saint Caradec, ne pourrait-on pas admettre qu'il, vint de Grande-Bretagne et se fixa dans ce lieu , comme saint Gildas à Rhuis, saint Brieuc sur les bords du Gouët où saint Vallon, près du Leff, dans le lieu aujourd'hui   appelé Lanvollon. Une tradition   répandue dans le pays veut que saint Gonéry  et saint Connec aient été ses compagnons ou disciples, et qu'ils aient vainement  tenté de prêcher la foi dans plusieurs  endroits. Les rares habitants  des rives de, l'Oust auraient  été plus dociles aux inspirations de la grâce.
Si l'on aime mieux voir en saint Caradec celui dont les Bollandistes ont donné la vie et dont il est fait mention dans la vie de saint Colgan, il faudra du moins convenir  que le monastère élevé en son honneur a été construit par quelques uns de ses disciples, au milieu d'une tribu bretonne.
Saint  Caradec d'après M. Tresvaux, suivant en cela les auteurs précités, serait  né dans la Bretagne insulaire; il aurait  été disciple de saint Patrice et l'aurait  suivi en Irlande, où, après avoir enseigné et vécu longtemps, il serait  mort vers 480. L'ancien  bréviaire de Léon lui donne le titre d'abbé  et un office de neuf  leçons; le calendrier, de ce diocèse  plaçait sa fête au17 des calendes de juin, ou le 16 mai. Les  traditions  de l'église  de Saint-Caradec-sur-Oust   s'accordent , en cela avec le bréviaire  de Léon.  Albert-le-Grand,   dans sa, Vie de saint  Ténénan,  dit seulement  quelques  mots de saint Caradec. Il l'appelle  un saint et docte personnage, sous la direction duquel  Ténénan ou Tinidorus (car aux yeux du bon légendaire, tous les saints devaient  porter un nom à désinence latine) , fit de tels progrès que, dès l'âge de 13 ans, il devint un bon et parfait  philosophe, mais encore  meilleur chrétien  : Caradocum sanctitate   et doctrinâ  famosun puer andivit. Ce sont les expressions  du bréviaire de Léon, composé par l'abbé  Cren et cité par M. Miorcec de Kerdanet, dernier éditeur  et annotateur  d'Albert-Le-Grand.         

Les  années de la jeunesse, comme les beaux jours du printemps ont leurs orages: la légende  raconte  que Ténénan, pour éviter les poursuites  de la fille du comte d'Arundel qui l'aimait éperduement obtint d'être couvert  d'une lèpre  hideuse,  et  qu'il en  dût  la guérison  à saint  Caradec, son maître et son protecteur, Tènénan; devenu évêque de Léon, fonda une église en l'honneur de saint Karentec, aujourd'hui la paroisse de Carentec. Selon M. de Kerdanet, Karentec, Caradec, Caradoc seraient le mème personnage, et ces noms auraient pour racine le verbe breton karet aimer, comme amator le verbe amare. Au commencement du moyen-âge, le  nom  de  saint  Caradec fut très-célèbre, et son culte répandu.  Plusieurs  paroisses  portent son nom, et un grand  nombre de lieux et de villages le rappellent  dans les diverses parties de la Bretagne surtout en Cornouaille.
Nous avons dit que le monastère de  Saint-Caradec, s'il n'avait-point été fondé par ce saint  lui-même, avait dit  être élevé  par quelques-uns de ses  disciples au milieu d'une tribu bretonne. Voici  les raisons qui nous portent à le croire: La langue  bretonne s'est conservée pendant longtemps dans cette paroisse; aujourd'hui on la parle encore dans les villages de Tréviel, de  Colmain et de Redeven. Tous  les lieux ont des noms bretons. Nous ne connaissons d'exception que pour Beau-Saut, les Quatres-Vents et Venise qui ne sont que des maisons isolées. A Trévé et à Loudéac sur la rive  gauche de l'Oust,  il n'en  est plus  ainsi;  à peu  près  tous les  villages  portent  des  noms français. Presque  toutes les églises et chapelles, dans Saint-Caradec  et dans  les paroisses circonvoisines, sont placées sous l'invocation de saints bretons, qui ont dû mème vivre dans ces lieux, s'il faut en croire la tradition populaire.                         
Malgré les  efforts des  agriculteurs et les travaux pour la rigole alimentaire du  canal de Nantes à Brest des landes immenses existent encore dans Hémonstoir, Croixanvec, Kergrist-Neuillac, Saint-Connec, etc.  De  distance  en  distance  parmi ces terres arides et incultes, on voit s'élever de modestes campaniles qui rappellent la piété  de nos pères. Entre Saint-Caradec et Saint-Connec, on voit la chapelle de Saint-Quidic, monument du  XVIe siècle, comme l'indique la fenêtre de l'abside avec ses meneaux et sa rose en fleurs de lys, souvenir  d'une autre plus ancienne. Le troisième dimanche de juillet, il y a pardon et assemblée. On fait l'office d'un confesseur non pontife, et on invoque ce saint pour la guérison  de la fièvre.  La tradition n'a conservé de lui que le souvenir  de ses bienfaits. Une paroisse du diocèse de Vannes Languidic, porte son nom.
En se rapprochant du bourg,  vers le  nord-ouest,  on trouve la lande  et la ferme de Saint Joret ou Jouret, près de laquelle  s'élève  la petite, chapelle  de Saint-Laurent, martyr, dédiée primitivement à saint Joret , demeuré inconnu.  Elle est du XIVe siècle. Plus au nord,  au-dessus du village de Kerdudaval , sur le coteau  nommé  le Roz-Fol, on retrouve les vestiges d'une église que la tradition, répandue  parmi le peuple, désigne sous le nom de Prinze de la Vieille-Église ou Coz-Ilis. Rien ne nous semble appuyer cette tradition; les comptes  de fabrique pour l'année 1604,  nous montrent l'église de Saint-Caradec tombant de vétusté; ils marquent les deniers employés  à  l'achat du bois nécessaire  pour empêcher, une ruine immédiate. Nous  aimerions  mieux reconnaître là les ruines d'une chapelle  dédiée  à saint Herbaud ou Herbot, solitaire breton,  mentionnée   dans les archives de la fabrique,  au XVIIe siècle, et qu'on  ne retrouve  nulle part.

A quelques kilomètres de Saint-Caradec, un antre solitaire vivait dans le VIe  siècle : c'était saint Elouan  ou saint Elocan ; une chapelle, relevée durant les missions du célèbre Père Maunoir en a ravivé le souvenir, et son tombeau, sorte d'auge  de pierre, placé dans la muraille du sud, est un objet de  vénération. Saint-Gildas ou Gueltas, Saint-Gouvry, Saint-Gonéry, Sainte-Noyale, vulgairement  Sainte-Maluenne ne  rappellent-ils pas quelques membres de l'émigration  bretonne aux Ve et VIe siècles?         A Saint-Thèlo, paroisse limitrophe, n'est-ce  pas encore un saint breton, un évêque  de Landaff, qui devient patron de la paroisse et lui donne son nom?  Personne n'ignore qu'un grand nombre de monastères et de prieurés furent fondés à cette époque: beaucoup d'églises s' élevère dans les environs; des prêtres allaient les desservir, et des 18 moines cultivaient les terres qui leur étaient concédées. Une chapelle de Trévé porte le nom de Saint-Pierre d'Hémonstoir, indice remarquable d'une dépendance du monastère de Saint-Caradec. L'on voit encore, dans Saint-Thèlo, un village nommé l'Abbaye: les titres du XIIe  et du XIII siècle l'appellent l'abbaye de Ounom ou Onom. La Motte-Donom était un grand fief qui faisait partie de la sénéchallie féodée de: Rohan, propriété des Le Sénéchal, seigneurs de St-caradec.
A quelle époque  le monastère  de Saint-Caradec a-t-il cessé d'exister?  Doit-il sa ruine aux incursions des Normands, comme le monastère  de Moréac ou de Locminé, Loch-Mener, dirigé par l'abbé T'aneth? ou bien est-il devenu  le bénéfice d'un seigneur intrus?  Nous ne pouvons le dire. Saint-Caradec, n'ayant point  eu son historien, n'a  pu nous conserver le souvenir des luttes soutenues et des assauts repoussés. Ce que nous pouvons affirmer sans crainte d'erreur, c'est que les hommes féroces, du Nord ne furent pas les seuls ravisseurs des biens de l' église au IXe et au Xe siècle. Une paroisse  du diocèse de Vannes, èloignée de quelques lieues de Saint-Caradec, nous en offre la preuve. Nous voyons, vers l'an 865, Liosic, abbé de Saint-Sauveur de Redon, porter plainte contre Alfrit, véritable tyran du monastère de Saint-Ducocan, situé dans la paroisse de  Clégerec, aujourd'hui Cléguérec, lequel avait été donné au  monastère  de Saint-Sauveur par le prêtre Rhétworet. Alfrit, accusé d'avoir creusé des fossés dans la lande de Penreth ou Perret convaincu de son usurpation, pressé par la nécessité et la justice, remit le monastère de Saint-Ducocan entre les mains de Liosic, et Salomon, roi de Bretagne,détermina les limites de cette terre. Cette description est remarquahle; elle désigne l'église de Selefiac, aujourd'hui Silfiac, le monastère de Saint-Serge, de grandes pierres, la vallée du Blavet, le château de Castel-Cran dans la forêt de Quénécan et autres lieux (*). Est-ce une cause pareille qui a fait déchoir le  monastère de Saint-Caradec?       
Aucun document ne le prouve.

Au  XIe, siècle, une  famille, celle des Le Sénéchal, originaire de la terre du Bot, près le bourg de Saint-Caradec, commence à dominer dans ce coin de terre. Jusqu'au commencement du  XIXe siècle, elle a  revendiqué, même  devant, les tribunaux, le titre de fondateur de l'église de  Saint­ Caradec; ses armoiries sont encore en éminence sur la façade ouest du clocher. Elle possédait une grande partie des terres dans Saint-Caradec et Hémonstoir. Il serait trop long d'énumérer  ses titres et de raconter son  histoire.

(*)   Dom Morice, Preuves   tom. L,   col. B. 309.